Retour sur la conférence de Carême de Mgr Guillaume Bruté de Rémur

Conférence

Une rencontre enthousiasmante le 6 mars 2023
à La Chapelle Saint Mesmin


Prêtre français en mission au Liban depuis 1999, recteur du Séminaire Interrituel International Missionnaire « Redemptoris Mater » du Liban, Mgr Bruté de Remur a brossé avec verve l'histoire du catholicisme au Liban et plus généralement au Proche et Moyen Orient, en remontant à la source du christianisme.

Trois points ont particulièrement marqué l'auditoire :

Vivant dans un pays historiquement, politiquement et majoritairement catholique depuis des siècles, si l'on excepte l'épisode dramatique du schisme protestant et des guerres de religion, nous considérons comme acquis l'unicité du rite catholique romain, et l'uniformité de l'expression de notre foi sur tout le territoire. La déchristianisation de notre société est d'ailleurs un motif de trouble dans nos communautés : catholiques, nous voyons avec angoisse notre foi devenir minoritaire dans notre pays. Au sein même de notre église, le concile Vatican II a fait évoluer notre rite, avec les remous que l'on constate encore aujourd'hui.

L'église orientale, et particulièrement celle du Liban, peut nous aider sur ces deux points : minoritaire, elle doit se maintenir dans des environnements socio-politiques plus ou moins hostiles ; issue des premiers temps de l'évangélisation, elle reflète une multitude de rites hérités des premières communautés, qui élaboraient, autour de leur évêque, une pratique de la foi que les conciles ont contribué à formaliser, et que l'empire de Rome puis la papauté ont fortement uniformisé en occident.

Le Liban, qui compte au moins 18 confessions monothéistes différentes affiliées à l'Islam, au Christianisme ou au Judaïsme, a des villages mono-confessionnels et des villages multi-confessionnels : dans chacun de ces derniers, il y a toujours quelques familles chrétiennes, quelle que soit la configuration des autres rites. Autrement dit, aucune confession ne peut cohabiter avec une rivale si des chrétiens ne sont pas présents pour offrir une médiation. C'est même un rôle institutionnalisé, intériorisé par les chrétiens dans ces villages, avec un patriarche, sorte de sage vers qui se tournent les familles en rivalité. Cette richesse, ce don, nous vient du Christ. On connaît l'orgueil et la rigidité de l'homme. Dans ces sociétés méditerranéennes, patriarcales, la fierté et l'honneur sont même érigés en valeurs fondamentales. La littérature abonde d'histoire de « dettes d'honneur » lavées dans le sang. Lorsque Dieu s'est fait homme, et s'est abaissé jusqu'à mourir sur la croix, il s'est fait humble et petit parmi les tout petits : cette éducation, cet idéal catéchétique que nous avons reçu de notre enseignement de baptisé nous oblige : nous sommes portés vers l'autre, portés vers la mission, tenus d'aimer cette personne aussi différente soit elle de nous. Et nous pouvons être fiers de cette capacité à nous tourner vers les autres. Être fier, et la cultiver dans un monde où les violences, la compétition exacerbe l'individualisme et l'égoïsme.

En ce qui concerne le rite, l'histoire des confessions du Proche et du Moyen Orient nous permet aussi de mieux comprendre la richesse de ce legs des Pères de l'Eglise. Où la première messe en latin a t-elle été célébrée ? A Rome ? Non, à Carthage ! Terre de colonisation d'anciens soldats des légions, la messe fut dite dans leur langue natale, le latin. A Rome, se pratiquait le grec, langue des patriciens, de l'élite intellectuelle. Lorsque les évêques ont refondu le rite catholique, les paroissiens de Rome ont tant protesté qu'on leur a laissé en gage de paix le « Kyrie eleison » comme vestige au milieu du nouveau rite en latin. Chaque confession catholique ou orthodoxe a ainsi apporté sa pierre à l'édifice. Au Liban, le séminaire forme de futurs prêtres dans chacun des rites qu'ils pratiqueront et forme même des séminaristes aux rites de communautés qui ne sont plus assez nombreuses pour avoir en leur sein des vocations.

Sur ces deux premiers points, notre paroisse a matière à s'inspirer pour « faire église malgré nos différences »

  • Dans un pays qui se déchristianise, reconnaissons notre force et la richesse de l'enseignement du Christ à nous tourner vers notre prochain : comment les mettre en valeur ? Rappelons nous le grand débat, issu des protestations des gilets jaunes, que la communauté paroissiale a proposé à la mairie de la Chapelle d'organiser. Quelles autres initiatives adaptées à notre époque pourraient on trouver ?

  • Notre communauté, au sens large, se crispe sur ses particularités : qui préfère le latin, qui veut de l'Akepsimas, de l'orgue ou de la guitare, ceux ci sont de « Saint Laurent », ceux là de « Saint Jean de la Ruelle » ou encore « de Saint Marceau » : mais connaissons nous seulement l'origine de chaque moment liturgique, son sens profond, la raison pour laquelle nous suivons ce rituel aujourd'hui ?

Un dernier point intéressant de cette conférence : l'église catholique romaine est secouée par le débat sur le célibat des prêtres. Au séminaire interrituel de Beyrouth, la question se pose autrement. Plusieurs confessions autorisent l'ordination d'adultes mariés. Les évêques ont donc une mosaïque de cas à gérer. La situation économique du Liban est telle que l'inflation galopante érode le pouvoir d'achat de la population, religieux compris. C'est d'ailleurs un grave danger pour la mission de l'église catholique : on l'a vu, elle est la seule à pouvoir jeter des ponts entre les confessions. Même si elle le fait avec plus ou moins de bonheur, elle rassemble des musulmans, des laïcs et des chrétiens de différentes confessions dans les mêmes établissements. L'appauvrissement effrayant auquel le Liban est confronté a deux conséquences : les élites (et donc les enseignants comme les religieux) fuient le pays. Et les écoles doivent fermer faute de subsides. Les premières à fermer sont celles qui sont multiconfessionnelles, les congrégations tentant de maintenir au moins les écoles regroupant le plus de chrétiens.

Les évêques constatent que les prêtres mariés rencontrent de grandes difficultés : ils ont une famille à faire vivre, des enfants dont il faut assurer les études. Ils finissent par abandonner une grande partie de leur ministère pour gagner de l'argent en travaillant. Et leur vie familiale empêche pratiquement toute mobilité : la dimension missionnaire, le renouvellement pastoral en sont fortement réduits. Cela favorise-t-il les vocations ? La question reste ouverte, mais cela ne semble pas le cas. Cela règle-t-il les problèmes d'abus sexuels ? Non ! Si l'état marital protégeait des pulsions pédophiles, cela se saurait, et les faits divers démontrent le contraire. Mgr Bruté de Remur ne porte pas de jugement théologique sur cette question du célibat, mais il constate, comme d'ailleurs trois conciles avant lui, qu'organiser la mission de prêtres mariés est plus difficile qu'avec des clercs célibataires.

La conférence s'est terminée par un échange d'invitation chaleureux : Mgr Bruté de Remur est prêt à accueillir et accompagner des paroissiens du secteur dans des pèlerinages aux sources des églises d'Orient. De notre côté, nous étions prêts à l'accueillir, lui et ses séminaristes, pour de nouveaux partages.

Luc Veillon, membre de l’Equipe d’Animation Pastorale du Secteur ouest

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